Evguenia Beloroussets (1980-)

Evguenia Beloroussets est une écrivaine, photographe, journaliste et traductrice ukrainienne, née à Kyïv en 1980. Elle est également cofondatrice de la revue artistique et littéraire Espaces (Prostory / « Простори ») en 2013 et membre du groupe de curateurs Conseil artistique (Xudrada / « Худрада »). Aujourd’hui, Evguenia Beloroussets vit et travaille entre Kyïv et Berlin. Ses travaux interrogent toujours différents médiums artistiques, se situant à la croisée de l’écriture documentaire et de la photographie, avec une forte dimension de non fiction littéraire. Cela lui permet de conférer à son œuvre une portée de témoignage sur les violences qui traversent l’Ukraine depuis 2014. A ce titre, l’œuvre de cette jeune autrice est révélatrice de l’articulation entre révolution morale, qui pousse l’écrivain à s’engager contre les scandales éthiques de son époque, et révolution esthétique, qui l’encourage à renouveler son rapport aux supports artistiques, à repenser la valeur du document, perçu non comme le simple véhicule d’un témoignage, mais comme le terrain d’un travail littéraire mêlant texte et image.

Depuis août 2014, après le début de la guerre dans le Donbass, Beloroussets s'est rendue plusieurs fois surle territoire en conflit, documentant la vie ordinaire des habitants des zones frontalières. Ce travail de chercheuse-documentaliste mené dans le Donbass a abouti à un projet artistique, créé en collaboration avec la conservatrice Tetiana Kochtoubinska et l'architecte Ivan Melnitchouk, et présenté en 2016 au Musée national de Tarass Chevtchenko de Kyïv[1]. L'exposition photographique, intitulée Les Victoires des vaincus (Peremogy peremoženyx / « Перемоги переможених »), représente ainsi un cycle de photographies accompagnées de textes-légendes, réalisés par l'artiste lors de son séjour à Debaltseve, Lisitchansk, Vouglegirsk,  Popasna et autres zones frontalières du conflit. L'objectif de Beloroussets est de focaliser son regard sur les gens ordinaires, comme les mineurs par exemple, ainsi que sur les diverses communautés telles que les organisations bénévoles de défense des droits de l'homme avec lesquelles l'écrivaine a étroitement collaboré au cours de son projet dans le but de mettre en lumière leur existence et leur précieux travail malgré la violence de la guerre qui sévit à l'Est du pays. Outre une forte composante sociale, le projet témoigne du rôle croissant joué par le document tant d'un point de vue historique qu'artistique. En 2015 et 2016, des fragments de cette série de photographies, prises dans les villes libérées de l'Est de l'Ukraine, ont été exposés au Mémorial du Mur de Berlin, en Allemagne, au Palais fédéral des expositions à Bonn et au Pavillon national de l'Ukraine à la Biennale de Venise[2], témoignant de la place privilégiée que ce matériau artistique occupe aujourd’hui dans l’espace contemporain.

Kateryna Tarasiuk - Université de Strasbourg

 

[1] La présentation de l’exposition Peremogy peremoženyx sur le site de l’administration régionale de Chevtchenko de Kyïv (consulté le 22 novembre 2023)

[2]Ibid.