Cet ouvrage, dirigé par Marie-Jo Thiel, rassemble des interventions faites lors d’une journée d'étude consacrée à l'éthique de la vulnérabilité organisée par l’École doctorale de théologie et de sciences religieuses de l’université de Strasbourg. La vulnérabilité est-elle souhaitable ? Après une préface de René Heyer qui, dès le début, souligne le ton provocateur du point d’interrogation du titre, les cinq essais ici contenus explorent la notion de vulnérabilité dans ses enjeux à la fois (bio)éthiques et politiques. À travers des textes plus théoriques et d’autres qui proposent des cas particuliers – comme celui de Henri Moto sur l’accès à l’eau potable au Cameroun – ce volume conçoit la vulnérabilité comme une condition inhérente à l'être humain, à la fois en tant qu'individu et en tant que membre de la société. Dans leur ensemble ces textes ont le mérite d’introduire à la notion de vulnérabilité tout en présentant ses enjeux contemporains : quel rapport entre être vulnérable et être autonome ? Comment la réflexion sur la vulnérabilité peut-elle engendrer un discours sur l’éthique du care ? Ou encore, quel rôle la vulnérabilité joue-t-elle dans une société fondée sur une haute technicité ?
Parmi ces contributions nous avons trouvé particulièrement intéressante celle de Nathalie Maillard. Cette dernière, définit le concept de vulnérabilité anthropologique pour ensuite en analyser les répercussions dans le champ de l’éthique et du politique. Étant donné que la vulnérabilité représente un trait constitutif de l’existence humaine, Maillard souligne toutefois que son actualisation dépend de facteurs externes : ainsi une personne peut être plus au moins vulnérable selon le contexte social, environnemental ou intersubjectif dans lequel elle se trouve. Après avoir développé un discours dialectique entre vulnérabilité et autonomie, elle met en discussion les théories morales et politiques centrées sur une vision de l’homme autonome et donc autodéterminé, actif et libre – vision par ailleurs dominante dans nos sociétés néolibérales. Au contraire, grâce à l’anthropologie de la vulnérabilité, Maillard repense la nature du lien social en mettant au centre la notion de soin. Cette dernière, engendre une réflexion sur la responsabilité comme catégorie morale centrale. En conclusion de son essai, Nathalie Maillard précise qu’éthique de la vulnérabilité et éthique de l’autonomie ne doivent pas s’exclurent l’une l’autre. Au contraire, elles doivent « être envisagées comme pouvant se compléter et s’enrichir » réciproquement (p. 32).
Nous soulignons aussi l’apport de Marie-Jo Thiel qui, dans son essai en conclusion de l’ouvrage, synthétise brillamment les enjeux des contributions précédentes. À travers le sujet de la démarche palliative, elle tire tous les fils tramant le volume : la vulnérabilité ontologique propre à l’être humain, l’omniprésente question de la mort, les enjeux liés à l’usage de soins palliatifs dans un monde dominé par la biotechnologie. Elle nous invite ainsi à accueillir la vulnérabilité pour en faire un instrument critique grâce auquel on peut mieux comprendre notre nature et à travers lequel il convient de repenser la morale et la politique dans notre société.
Francesca Cassinadri
Doctorante Configurations littéraires (UR 1337)Université de Strasbourg