Médecin généraliste, chef de clinique des universités (2009-2013) et maître de conférences associé à la faculté de médecine de l’Université d’Aix-Marseille depuis 2014, Pierre-André Bonnet s’est intéressé aux possibles usages et effets de la lecture dans divers contextes médicaux, de l’auto- à la psychothérapie en passant par les consultations ou la fréquentation de bibliothèques hospitalières. Issu de sa thèse d’exercice (soutenue en 2009) et préfacé par le Dr Charly Cungi, auteur de nombreux ouvrages d’auto-traitement (Savoir s’affirmer, 2001 ; Faire face à la dépression, 2009 ; Faire face à la dépendance, 2014, etc.), son petit livre didactique présente la bibliothérapie comme « un outil de soin et de prévention en santé mentale », employé notamment pour traiter divers troubles (de l’humeur – anxiété, phobies ; du sommeil ; de l’enfance et de l’adolescence ; de la dépendance). À partir d’une double approche empirique – d’une part, une enquête réalisée auprès de 600 personnes (p. 53), et d’autre part la « médecine basée sur les preuves » (« Evidence-Based Medicine »), une « démarche décisionnelle fondée sur les données de la science, en prenant en compte le contexte psychosocial et les préférences du patient » (p. 33) – l’auteur démontre clairement l’efficacité de la bibliothérapie, y compris lorsqu’elle est « auto-administrée » (« self-help ») ou simplement associée à un « accompagnement en consultation » (p. 42), dans le cadre de thérapies comportementales et cognitives.
S’il est assurément plus à l’aise avec la bibliothérapie informative, où la lecture – que ce soit celle d’un livre ou de contenus disponibles sur Internet – permet de diffuser auprès des patients des connaissances sur les maux dont ils souffrent, Pierre-André Bonnet ne néglige pas pour autant l’apport des œuvres littéraires. Ces dernières présentent en effet d’autres bénéfices, qui relèvent de la catharsis ou des impulsions redonnées à la volonté (l’auteur reproduit en annexe, sur cette question, un important extrait de Proust, « Sur la lecture »), mais qui permettent aussi une diversion et une distanciation critique, via l’évasion dans d’autres mondes, d’autres temporalités, ou l’expérience d’autres points de vue.
Citant une expérimentation étatsunienne entreprise en milieu carcéral, où la lecture collective de romans, à l’initiative d’une association (Changing Live Through Literature), avait permis une meilleure réinsertion des détenus avec un taux de récidive délictueuse divisé par deux pour ceux qui avaient suivi ce programme bibliothérapeutique, l’auteur souligne enfin la vertu thérapeutique et éthique des textes, et il défend ainsi l’importance de la lecture pour « rechercher une meilleure santé dans son ensemble », et non simplement pour « soulager un trouble émotionnel particulier » (p. 60).
Son ouvrage s’achève sur les diverses modalités de prescrire des livres à l’occasion de consultations médicales, qui vont du « conseil orienté sur la résolution d’un problème » aux suggestions non spécifiques, qui utilisent un « répertoire littéraire » plus général : La bibliothérapie apparaît ainsi comme « une réponse empathique qui ne laisse pas de vide entre le soutien simple et la prise en charge spécialisée » (p. 65). « Proposer un livre », selon Pierre-André Bonnet, « c’est déjà agir et soigner » (p. 67). On ne peut donc que recommander le sien aux médecins, étudiants, enseignants curieux des effets thérapeutiques de la lecture.
Anthony Mangeon
Professeur de littératures francophones à l’Université de Strasbourg , Directeur de Configurations littéraires (UR1337), Coordinateur de l’Institut Thématique Interdisciplinaire Lethica