Suivre l'événement en direct le 1er et le 2 octobre sur la chaîne Youtube de la Misha
Argumentaire
Consacrée aux enjeux éthiques et esthétiques du changement climatique, l’École doctorale d’automne 2024 rassemblera des chercheurs issus de disciplines diverses - philosophie, droit, littérature, glaciologie, climatologie – ainsi que des artistes et des écrivains dont l’œuvre s’attache directement à traiter de la crise écologique. Si celle-ci est de longue date devenue une réalité scientifique incontestable, documentée par les rapports successifs du GIEC (repris et illustrés dans l’ouvrage de vulgarisation dirigé par Iris Amata-Dion, Horizons climatiques, 2024), les actions tardent à venir et la prise de conscience d’une responsabilité individuelle, mais surtout collective et politique apparaît plus que jamais aujourd’hui comme une pressante nécessité. L’objectif de cette rencontre interdisciplinaire n’est pas de céder à la tentation du catastrophisme, mais bien de penser, sous le patronage de Catherine Larrère, que « le pire n’est pas certain » (2020) et d’envisager les possibilités d’action qui nous demeurent ouvertes.
Face à ces défis de société contemporains, la révolution morale telle qu’elle est définie par Anthony Appiah (Le Code d’honneur, 2012) se présente comme l’un des derniers leviers, susceptibles de provoquer un changement radical et durable de nos comportements. Là où les arguments scientifiques ne sont pas parvenus à infléchir les manières d’être de nos contemporains, comment penser l’avènement d’une mutation de la sensibilité, qui conduirait, dans les termes de James Garvey, à « réinventer le cercle de la moralité » (Éthique des changements climatiques : le bien et le mal dans un monde qui se réchauffe, 2010) ? Quel rôle les humanités ont-elles à jouer dans cette prise de conscience ? Quels « lieux de mémoire », quels « paysages à la dérive » (Sophie Poirier) ou « usagés » (Bertrand Stofleth) sont susceptibles de nous aider à penser l’évolution du climat et l’empreinte de l’homme sur son environnement ? Comment la science-fiction parvient-elle à échapper à l’emprise de notre présent (Irène Langlet, Le temps rapaillé, 2020) pour imaginer le monde qui vient et inventer une nouvelle éthique du futur (Yannick Rumpala, Hors des décombres du monde, 2018) ? Doit-elle se situer à la croisée de la fiction et de la prospective (Kim Stanley Robinson, Le Ministère du futur, 2023), de l’anticipation et de la rétrospective (Thomas Cadène & Benjamin Adam, Soon, 2019) ? La méthode du scenario planning, mise en œuvre par les étudiant.e.s du DU LETHICA, constitue-t-elle un outil pertinent pour sensibiliser le public aux risques et aux enjeux d’une dégradation de notre milieu de vie ? Peut-on, comme le fait le romancier et essayiste indien Amitav Ghosh (Le Grand dérangement : d’autres récits à l’ère de la crise climatique, 2021), tenir grief à la littérature européenne de ce qu’elle n’aurait pas suffisamment pris en compte le monde non-humain, et aurait ainsi contribué à occulter les prémisses du changement climatique ? Quelles nouvelles formes littéraires conviendrait-il d’inventer pour rendre compte d’une crise à l’envergure inédite, qui transforme le « dernier homme », imaginé en 1973 par Richard Routley pour poser les fondements d’une éthique de l’environnement, en le « dernier monde » décrit par Céline Minard ?
Les questions abordées dans le cadre de cette École d’Automne croiseront les thématiques de l’ITI LETHICA :
- Penser le changement climatique implique en effet de se confronter aux enjeux souvent dramatiques du triage lorsqu’il s’agit de choisir, dans les termes de Frédérique Leichter-Flack, « qui vivra et qui mourra » dans un contexte où les ressources disponibles se réduisent drastiquement. Élaboré à partir de la lecture d’œuvres littéraires et critiques, le scénario conçu en 2024 dans le cadre du Diplôme universitaire LETHICA permettra aux participant.e.s de l’École d’Automne de se confronter directement aux prises de décision que suppose un tel contexte de crise.
- Parce qu’il a longtemps constitué une transformation graduelle invisible, largement occultée par les responsables politiques nationaux et internationaux, le changement climatique pose aussi la question de l’articulation entre transparence et secret, et plus largement, celle d’une responsabilité morale et juridique (Agnès Michelot) qui ne repose pas exclusivement sur le lien tangible entre cause et conséquence. La résidence de Paolo Cirio, artiste invité de Lethica en 2024, permet ainsi de poser la question des responsabilités en matière de justice climatique, en incriminant notamment l’industrie fossile.
- Se montrer sensible aux enjeux du changement climatique implique enfin de faire cas de l’autre, en particulier de celui qui ne nous ressemble pas, ou de celui que nous ne connaissons pas encore. Les textes de Vincent Message (Défaite des maîtres et possesseurs, 2016, Les Années sans soleil, 2022) et de Céline Minard (Le Dernier Monde, 2007, Plasmas, 2021) invitent ainsi le lecteur à se projeter dans une altérité radicale – qu’elle soit animale, extraterrestre ou tout simplement intergénérationnelle. Le récit que Sophie Poirier consacre à l’immeuble « Le Signal » à Soulac-sur-mer, menacé d’effondrement et finalement détruit en février 2023 par les pouvoirs publics, constitue à la fois un exercice d’empathie et une réflexion sur les mutations de nos paysages à l’heure du changement climatique : l’exemple paradigmatique du front de mer français ne doit pourtant pas faire oublier que les premiers espaces touchés seront aussi les plus pauvres, comme le soulignent les travaux du climatologue Benjamin Sultan sur le changement climatique en Afrique.
En intégrant le discours sur le changement climatique dans un contexte international, pluriséculaire (grâce notamment aux travaux de la glaciologue Frédérique Rémy) et interdisciplinaire, l’École d’Automne Lethica vise à constituer un forum de discussion, de réflexion, mais aussi de « respiration » (Marielle Macé, Respire, 2023) ouvert à toutes et à tous.
Lire les notices du Lethictionnaire autour du thème
Programme prévisionnel
30 septembre (Amphi du CDE)
17h00-18h30 : Conférence inaugurale de Catherine Larrère - "Habiter autrement la Terre"
1 octobre (Misha)
9h00-10h30 : Conférence d’Agnès Michelot - "La justice climatique : inégalités et responsabilité"
Pause
11h00-11h30 : Benjamin Sultan - "Les conséquences du réchauffement climatique en Afrique: un exemple d'injustice climatique"
11h30-12h00 : Frédérique Rémy - "Le changement climatique dans la littérature du XVIIe siècle à nos jours"
Pause
14h00-15h00 : "BD et changement climatique : rétrospective, prospective et science-fiction" - Table ronde avec Thomas Cadène et Iris-Amata Dion (modération : Anthony Mangeon)
Pause
15h30-17h30 : "Le Parlement des Générations" présenté par les étudiant·es du DU LETHICA
2 octobre (Misha)
9h00-9h30 : Marielle Macé - "Parole et respiration" (en ligne)
9h30-10h00 : Eliane Beaufils - "Mises en jeu éthiques-esthétiques dans des théâtralités participatives du Chthulucène" (en ligne)
10h00-10h30 : Bertrand Guest - "Ce que 'la' langue fait au climat, et réciproquement. Rétro- et inter-actions dans l'atmo-bio-sémio-sphère"
Pause
11h00-12h00 : "Paysages qui tanguent" - Table ronde avec Sophie Poirier et Bertrand Stofleth (modération : Ninon Chavoz et Emmanuel Béhague)
Pause
13h30-14h30 : "Après l’Anthropocène" - Discussion avec Céline Minard (modération : Ninon Chavoz)
Pause
15h00 -15h45 : Irène Langlet - "Crimate fiction - une si séduisante marée noire"
15h45-16h30 : Paolo Cirio - "Climate Realism"
16h30-17h30 : "Écrire dans les années sans soleil" - Discussion avec Vincent Message (en ligne) (modération : Ninon Chavoz)
17h30-18h00 : clôture et discussion avec les étudiants
Plus de détails sur l'image modélisant le changement climatique (Ed Hawkins)