École d’automne 2023 : Représenter les vieillesses (cinéma, littérature, théâtre, histoire de l'art...)
Après les éditions de 2021 et de 2022, l'école d'automne 2023 de l'ITI Lethica, organisée par Corinne Grenouillet et Kenza Jernite, a eu lieu du 26 au 28 septembre 2023 à la MISHA. Cet événement était l'occasion d'interroger les représentations des vieillesses à travers différents arts, en lien avec les quatre axes de recherche de Lethica :
- Le triage : La question du tri des personnes âgées a été reposée avec une acuité particulière lors de la crise du COVID-19. La sociologue Juliette Rennes, tout en reconnaissant la nécessité du tri dans l’urgence, invite par exemple à interroger les choix et les conditions de production qui ont créé la nécessité du tri. L’historienne Mathilde Rossigneux-Méheust, qui s’intéresse aux vieillesses en hospice au XXe siècle, montre quant à elle que le tri des personnes âgées a une histoire longue, en s’intéressant aux instruments disciplinaires qui ont permis de trier, jusque dans les années 1980, les « bons » des « mauvais » vieux.
- Révolutions morales : Plusieurs fictions (littérature, cinéma, théâtre…) d’anticipation récentes, en inventant des futurs qui pourraient résulter de nos choix (mais également de nos non-choix) actuels, nous invitent à repenser la manière dont nous traitons nos personnes âgées. Plusieurs dystopies demandent ainsi quelles conséquences il peut y avoir à penser cette tranche d’âge d’abord en terme de « coût » ou de « poids » pour les sociétés les plus riches. Ces fictions viennent nourrir un débat sur la fin de vie, relancé par la promesse du gouvernement actuel de légiférer rapidement sur la question. Plusieurs voix de médecins s’élèvent par exemple pour regretter l’abandon de la loi sur le grand âge, en demandant que l’on s’occupe de la (bonne) vie des personnes âgées avant de s’occuper de leur mort.
- Transparence et secret : À l'invisibilisation de certains aspects du vieillissement, déplorée par exemple par le journaliste Victor Castanet dans son enquête choc sur les EHPAD, s’oppose une hypervisibilisation de certains aspects du grand âge : en témoigne l'explosion du nombre de films et de spectacles sur le sujet (plus d’une dizaine de spectacles en France pour la seule année 2022-2023, et presque autant de films sur les deux dernières années). Ces films et ces spectacles, le plus souvent, s’intéressent aux aspects les plus spectaculaires de la vieillesse : Alzheimer, démence, corps incontinents… La question se pose alors de comprendre ce que l’on décide de montrer comme ce que l’on décide de cacher, et pourquoi.
- Faire cas, prendre soin : La question de la représentation des personnes âgées pose immédiatement, comme son pendant, celle de la représentation de celles et ceux qui en prennent soin et les accompagnent dans ce dernier âge de la vie, et qui sont souvent encore plus invisibilisés. Qu’en est-il de la représentation de ces soignants, aidants et accompagnants dans les œuvres de fiction ? Y a-t-il une histoire (littéraire, théâtrale) de l’aidant ?
Photographe québecoise spécialisée dans la “photographie d’ainés”, Arianne Clément nous a autorisés à utiliser gracieusement ce portrait au miroir d’une femme centenaire, qui nous permet d’illustrer magnifiquement l’école d’automne LETHICA consacré au sujet “Représenter les vieillesses” (26-28 septembre 2023).
Dans son album 100 ans, âge de beauté d’où est extraite cette œuvre (visible via ce lien), Arianne Clément veut mettre en évidence les “rituels de beauté” des femmes très âgées. Pour réaliser cette série de portraits, elle a rencontré une dizaine de centenaires qui ont accepté d’être photographiées, dont Anne-Marie Pronovost, à Sutton (Québec, 2016). “La beauté me préoccupe plus aujourd’hui que lorsque j’étais jeune. J’aime être habillée passablement bien” a-t-elle déclaré à la photographe. Pour cette photographie remarquable, A. Clément a gagné en mars 2017 le grand prix nord-américain “Regards sur notre monde”, récompensé par une expédition photo en bateau dans l'Arctique d'une valeur de 24 000 $.
Qu'elle soit ici remerciée.s
Corinne Grenouillet et Kenza Jernite, organisatrices
Pour découvrir le travail d'Arianne Clément, voir cette première page et cette deuxième page Facebook, ainsi que son site internet.