Claude Ber (1948-)

Claude Ber est une poétesse, autrice de livres d’art, dramaturge et essayiste française. Née en 1948, c’est une fille de la guerre et surtout du maquis et de la résistance à laquelle a participé sa famille. Un de ses recueils s’intitule Il y a des choses que non (Bruno Doucey, 2017) : c’est la phrase que lui a dite sa grand-mère maquisarde que la jeune Claude interrogeait sur les raisons qui l’avaient poussée à se révolter au péril de sa vie. Depuis, ce « Il y a des choses que non » est devenu la devise de l’œuvre de Claude Ber, qui s’emploie à décliner les scandales auxquels l’existence humaine se heurte (le deuil, dans La Mort n’est jamais comme paru chez Léo Scheer en 2004, texte qui en est à sa cinquième réédition, chez Bruno Doucey) et à s’interroger sur Ce que peut la littérature en ces temps de détresse (d’après le titre d’un volume collectif de correspondances publié en 2011 aux éditions Calliopées par un ensemble d’écrivain·es engagé·es).

Le geste poétique de Claude Ber consiste à mettre en parallèle la résistance politique et la résistance par le langage : elle rend ainsi hommage pour « leur résistance tenace à la langue rétive » (Le Livre, la table, la lampe, Le Grand Incendie, 2010) « aux deux René », son père membre des FFI et le poète René Char, qui incarnent pour elle cet héritage où le caractère expérimental et fulgurant du poème sert à mobiliser face au réel plutôt qu’à l’embellir ou le pétrifier. Devant ce double engagement, la langue de Claude Ber se fait elle aussi activiste pour faire front :

la langue consistante

la langue nourrissante

la substantifique langue de la moelle des mots et des morts

où résiste la langue au mirador

où résiste la langue à l’obscénité de transparence

où résiste la langue à l’asservissement

où résiste la langue à l’avilissement

où résiste la langue sous la dent

et tient ferme le poème en bouche […] (Il y a des choses que non, op. cit., p. 15).

L’œuvre de Claude Ber s’inscrit également dans une perspective intersectionnelle et décoloniale. Philosophe de formation, elle conjugue l’écriture poétique et la pratique de l’essai pour donner à son œuvre une dimension à la fois créative, réflexive et agissante. Ainsi, dans le recueil Libres Paroles, qui évoque notamment la condition des migrant.es et la question du rapport à l’autre, elle écrit : « l’avenir ne peut être qu’œuvre commune et produit d’une solidarité et d’une citoyenneté partagées autour d’une vision en mouvement de la culture et des cultures humaines qui sont, depuis toujours, transmission mais aussi création incessante au contact de l’altérité. À nous d’imaginer, de construire l’avenir et de donner forme et visage à une humanité toujours à inventer. » (Extrait de Libres Paroles, éditions Chèvre Feuille Etoilée, 2011). Elle a reçu le prix international de poésie Ivan Goll et la Légion d’honneur pour l’ensemble de son parcours et son engagement pour l’égalité femmes/hommes et les droits humains.

Victoire Feuillebois - GEO