Sujets « sensibles » en littératures : réceptions empiriques, nouvelles épistémologies, nouvelles pratiques d’enseignement

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Journée d'étude

Journée d'études organisée par Anne-Claire Marpeau, Philippe Clermont, Marianne Hillion et Marie-Jeanne Zenetti.

21 22 novembre 2024
9h 17h
INSPE Strasbourg

Inscription obligatoire avant le 6 novembre 

 

Argument

Depuis quelques années, les controverses et vifs débats au sujet des violences sexistes et sexuelles dans les textes littéraires1 témoignent d’une interrogation éthique grandissante dans le champ littéraire français. De manière générale, les études culturelles, de genre et post-coloniales ont favorisé une (re)lecture des textes littéraires à l’aune de problématiques éthiques et sous l’angle de sujets que l’on pourrait qualifier de « sensibles » : sensibles car ils engagent des expériences subjectives liées à l’intimité et l’affectivité, sensibles parce qu’ils éveillent des questionnements politiques sur les façons de vivre ensemble, d’entrer en relation et de faire monde, sensibles enfin parce qu’ils impliquent d’interroger la sacralisation des textes et de la critique littéraires ainsi que les méthodes et pratiques de lecture et de réception des textes.
La nomination et l’interprétation des discriminations et des violences dans les textes littéraires suscitent en effet des questionnements épistémologiques cruciaux puisqu’elles obligent à « réfléchir aux relations entre littérature et morale » mais aussi « aux rapports qu’entretient la littérature avec la réalité »2. À l’aune du tournant affectif et éthique des sciences humaines, il s’agit donc de penser les méthodes de l’herméneutique littéraire, en interrogeant la place de la subjectivité et de l’ethos dans l’interprétation littéraire et plus largement, les enjeux éthiques de la critique contemporaine.
Il s’agit peut-être tout particulièrement de s’interroger sur le lien qu’entretiennent sujets sensibles, pratiques de lecture et réceptions empiriques : la lecture ou relecture des oeuvres qui relève le racisme, le sexisme, la violence sexuelle, la violence coloniale ou encore l’agression du vivant dans ces textes littéraires tient-elle à un positionnement nouveau du sujet-lecteur ou lectrice, appartenant à une communauté interprétative davantage « sensible » à ces enjeux ?
Il s’agit de se pencher également sur ce que la prise en compte de ces sujets sensibles fait à l’enseignement littéraire à tous les niveaux : les corpus, les pratiques, les dispositifs didactiques se modifient-ils face à la perception et la résonance de ces sujets sensibles ?

1 Voir à ce sujet les textes de ce qu’on peut appeler l’« affaire Chénier » sur le carnet de recherche intitulé Malaises dans la lecture et la publication de l’ouvrage d’Hélène Merlin-Kajman intitulé La Littérature à l ’heure de #MeToo, Paris, Ithaque, 2020.

2 Lise Wajeman, “Lire le viol”, Écrire l’histoire, n°20-21, 2021. URL : https://journals.openedition.org/elh/2971. Consulté le 18 janvier 2023.

 

Programme

Jeudi 21 novembre 2024

9h15 : Accueil, boissons chaudes et gourmandises
9h45 : Ouverture des journées. Accueil institutionnel. Ouverture des travaux : Vers une tentative de cartographie des sujets sensibles en littérature ?

10h30-12h00 : Comment les textes sont ou deviennent « sensibles » : relectures éthiques de corpus canoniques
Dina KHAZAI (Université de Strasbourg), Le sujet sensible et le surréalisme : regard contemporain
Isabelle POULIN (Université Bordeaux Montaigne), La lecture par-dessus l’épaule : Lolita lu par Neige Sinno, en traduction

12h00-13h00 : Déjeuner (Buffet)

13h00 -14h00 : Sujets sensibles et violences historiques
Gabriela VIERU (Université de la Sorbonne Nouvelle), Corps, violence et Mai ‘68. La poétique de la cruauté dans Les Particules élémentaires de Michel Houellebecq
Kateryna TARASIUK (Université Grenoble-Alpes & Université de Strasbourg), Poésie féministe contemporaine ukrainienne face à la guerre : cartographie, réaffirmation, réappropriation

14h00-14h15 : Pause

14h15-15h15 : Sujets sensibles et tabous : violences intra-familiales et sexuelles
Aimée-Luce PONZA (Université de Strasbourg), Les gouzgouz, ou « la confusion des langues » : représentation de l’inceste en littérature de jeunesse avec Les Longueurs de Claire Castillon
Anne-Claire MARPEAU (Université de Strasbourg), Ce que l’inceste fait au corps : poétiques et éthique de l’album de jeunesse

15h15-15h30 : Pause

15h30-16h30 : Sujets sensibles et lectures post-coloniales
Rocio MUNGUIA AGUILAR (Université de Guyane), L’identité guyanaise comme sujet « sensible » : la trilogie de jeunesse Mes romans de Guyane de Marie George Thébia ou les enjeux éthiques de la production d’un corpus « local »
Présentation par les étudiant.e.s de Philippe CLERMONT (Université de Strasbourg), à partir de leur programme de littérature de jeunesse « Colonialisme, esclavagisme : lectures éthiques en question »

Vendredi 22 novembre 2024

9h30-10h30 : Sujets sensibles et médiations : quels enjeux pour les passeurs et passeuses de textes ?
Teona FARMATU (Université Babeș-Bolyai de Cluj-Napoca, Roumanie), La « traduction raciste » de poèmes de Charles Baudelaire et Jean Richepin en Roumanie à la fin de XIXème siècle
Ida IWASZKO (Institut national des études territoriales - Strasbourg), Les sujets « sensibles » en littérature dans les bibliothèques et les réseaux de lecture publique des collectivités territoriales : quelles réceptions et quelles tendances en France ?

10h30-10h45 : Pause

10h45-12h00 : Théoriser la réception et l’interprétation des textes sensibles
Anne GRAND d’ESNON (Université de Lorraine), Les autres de la réception : peut-on lire avec n’importe qui ?
Marie-Jeanne ZENETTI (Université Lumière-Lyon 2), Textes sensibles, lectures sensées

12h00-13h00 : Déjeuner (Buffet)

13h30-15h00 : Sujets sensibles et réceptions : lire, enseigner, situer
Tatiana CLAVIER (Université de La Rochelle), Écritures de soi au féminin et violences de l’intime : résonance traumatique et repositionnement critique de lectrices
Arnaud GENON (Université de Haute-Alsace & Université de Strasbourg), Jeunes lectrices et lecteurs de dark romance : enquête sur comment se lit la violence ?
Débat par les étudiant.e.s d’Arnaud GENON : « à propos de la dark romance »

14h00-14h15 : Pause

15h15-16h15 : Le coût et le gain : qu’apporte la lecture des textes sensibles ?
Aline LEBEL (Université Paris Nanterre), Le coût des révolutions morales : une violence juste faite aux lecteurs et lectrices sensibles ? Le cas de Svetlana Alexievitch
Christine LEMAÎTRE (Aix-Marseille Université), Les sujets sensibles : une matière première pour éveiller le futur citoyen à l’expérience morale. Nussbaum de la théorie à la pratique

16h15 : Conclusions