Appel à communications | Tchernobyl 40 ans après : des signes à déchiffrer

Le colloque interdisciplinaire organisé par Tatiana Victoroff, Jean-Christophe Weber et Emmanuel Béhague, aura lieu en avril 2026 à Strasbourg

1 novembre 2025
23h59
Strasbourg

Dans le cadre du colloque interdisciplinaire « Tchernobyl, 40 ans après. Des signes à déchiffrer », nous lançons un appel à communications orales.

« Tchernobyl est un mystère qu’il nous faut encore élucider. C’est peut-être une tâche pour le XXIe siècle. Un défi pour ce siècle nouveau ». C’est ainsi que Svetlana Alexievitch commence sa Supplication, « chronique du monde après Tchernobyl » sur la catastrophe du 26 avril 1986. Qualifié de « début d’une nouvelle ère historique », Tchernobyl a été d’abord un évènement brutal qui a bouleversé la vie de centaines de milliers de personnes, mais la catastrophe s’est étendue dans le temps : régions contaminées et durablement inhabitables ; menaces sanitaires des conséquences de l’irradiation ; conséquences démographiques, économiques, politiques... Ravivé par l’accident nucléaire de Fukushima, Tchernobyl a aussi corrodé la foi dans la science, le progrès technologique, la parole publique.

L’Institut thématique interdisciplinaire LETHICA (Littératures, éthique & arts) propose, à l’occasion de la commémoration de la catastrophe, un colloque dont l’objectif est d’en interroger les signes et les traces, avec ce recul de 40 ans. Les axes de réflexion sont ceux de l’ITI Lethica. L’argumentaire complet est visible sur le site du colloque :

Transparence et secret : « tous taisaient l’essentiel »

À l’explosion succède un grand silence, malgré la glasnost’ - politique de transparence – proclamée par Gorbatchev à peine quelques mois plus tôt. Les personnes impliquées dans la gestion de la crise doivent garder le silence, sous peine de divulguer un secret d’État et de nuire à l’œuvre collective du socialisme. Le choix éthique de la vérité est confronté au risque de la dénonciation érigée en devoir social, des décisions désastreuses ont été prises pour tenter de préserver un modèle économico-politique. Le silence a aussi été imposé aux tentatives des historiens, sociologues, ou écrivains, de dévoiler les conséquences de la catastrophe.

Le triage : des liquidateurs aux « bio-robots »

Qui doit être envoyé sur la zone irradiée ? Qui doit être déplacé ? Qui doit être surveillé ? De multiples opérations de triage ont eu lieu, plus ou moins délibérées. Les appelés du contingent ont été envoyés sur toit de la centrale pour suppléer l’incapacité des robots. Comment le dilemme moral du triage a-t-il été reconnu par tous ceux, décideurs et exécutants, qui y ont pris part ?

 Révolutions morales : une nouvelle « conscience atomique » 

L’atome pacifique signifiait le progrès, la foi en l’avenir, l’accomplissement des capacités humaines. Après Tchernobyl, la distinction entre nucléaire civil et militaire s’est brouillée. Les deux sont devenus synonymes de mort et de destruction, et tout un système de valeurs s’est effondré. Au-delà du cas particulier des peuples ukrainien et biélorusse, on peut se demander dans quelle mesure l’accident de Tchernobyl a été un accélérateur à l’échelle mondiale dans le renversement de la notion de progrès, de technologie libératrice, et dans l’éclosion d’une nouvelle perception d’un passé perçu comme arriéré et aliénant, devenu soudain sain et sûr.

De plus, beaucoup ont associé la catastrophe nucléaire à la fin du régime communiste soviétique, voire à un crime contre les peuples. Toujours est-il que coexistent plusieurs récits, notamment en Biélorussie : la narration officielle, nostalgique de la période soviétique, et une narration contestataire et nationaliste qui plaide pour la démocratie, l’économie de marché et la renaissance de la langue.

Faire cas, prendre soin : mémoire des victimes et signification pour l’avenir

« Subir une catastrophe » renvoie le plus souvent à un événement supra-personnel, dont la signification reste introuvable. Comment la traverser si j’y suis englouti ? La formule « La vie continue » est-elle l’expression vaine d’une consolation impossible, ou les premiers pas d’un soin pour échapper à la destruction ou à la fixation post-traumatique ? L’usage même du mot « catastrophe » est-il de nature à obscurcir le déchiffrage et l’interprétation des signes que les victimes nous adressent comme des bouteilles à la mer, ou est-il lui-même un signe-présage de l’effondrement d’un monde commun ? Des « liquidateurs » directement frappés par les premières radiations jusqu’aux millions de personnes touchées par la catastrophe sur le long terme, Tchernobyl est, par-delà sa signification écologique, une histoire de victimes individuelles, le plus souvent invisibles, dont il reste à écrire l’histoire.

Ce colloque se propose comme une contribution à poursuivre l’écriture de l’histoire du « cas » Tchernobyl, selon des modalités diverses, au-delà des seuls événements mesurables : il peut être question de sciences, de modalités d’expertises, de médecine, de psychologie, de sociologie, d’anthropologie, de droit, de philosophie, de géopolitique, d’écologie, etc., mais aussi d’œuvres littéraires et artistiques, lesquelles ont déjà pris une part importante à l’élaboration de récits aussi bien intimes que collectifs, ouverts sur le passé d’une expérience mais aussi sur l’imagination d’un avenir possible.

 

Modalités de soumission

Les propositions de communications doivent être adressées à l’adresse : colloque-tchernobyl2026[at]unistra.fr avant le 1er novembre 2025.

Elles doivent comporter un argumentaire anonymisé de 500 mots environ.

 

Calendrier

Lancement de l’appel à contribution : 8 juillet 2025.

Date limite pour l’envoi des propositions : 1er novembre 2025.

Retour de l’évaluation des propositions : 30 novembre 2025.

 

Les auteurs s’engagent à :

  • Faire une communication orale de 20 minutes
  • Remettre avant le 30 avril 2026 un texte destiné à la publication envisagée

Les auteurs sélectionnés sont dispensés de frais d’inscription et sont invités aux deux déjeuners; les organisateurs du colloque ne prennent pas en charge les frais de voyage ni d’hébergement (attention, session parlementaire, les réservations d’hôtel sont à prévoir à l’avance)

 

Coordination scientifique

Tatiana Victoroff, MCF (HDR) en littérature générale et comparée de l’université de Strasbourg ; Jean-Christophe Weber, Professeur de médecine interne de l’université de Strasbourg ; Emmanuel Béhague, Professeur de civilisation contemporaine des pays de langue allemande au Département d’études allemandes de l’université de Strasbourg